dimanche 17 décembre 2006

Qu'est-ce qui se passe ?

"In the world I see -- you're stalking elk through the damp canyon forests around
the ruins of Rockefeller Center. You will wear leather clothes that last you the
rest of your life. You will climb the wrist-thick kudzu vines that wrap the Sears
Tower. You will see tiny figures pounding corn and laying-strips of venison on the
empty car pool lane of the ruins of a superhighway."
Tyler Durden, Fight Club


Le sujet de ce blog est typiquement le genre de réflexions que je pouvais avoir avec mon ami John qui est maintenant en Angleterre. Avant de rentrer plus en profondeur dans la réflexion, j’aimerai tout d’abord vous présenter le personnage. John s’est intéressé pendant quelques temps au zen et à ses kôans, qui ne me parlent que très moyennement et pour lesquels mon esprit cartésien a du mal à trouver un réel intérêt. John aimait beaucoup les kôans, et essayait de percer leurs significations ou leurs non-significations. J’ai donc trouvé amusant de le décrire par un nouveau kôan, de mon invention :

Gigo (alias John) : John se trouvait en présence d’un maitre du zen. Ce dernier lui demanda en désignant du doigt un chien passant par là : ‘Est-ce que Bouddha est dans le chien ?’. John répondit : ‘Je n’en sais rien’. Le maître lui dit alors levant le doigt au ciel : ‘Tu as raison car Bouddha est dans mon doigt’. A ce moment John coupa d’un coup sec le doigt du maître Zen, et tandis que celui-ci hurlait de douleur, John lui dit : ‘Alors on fait moins le malin maintenant hein ?’. Le maitre zen lui demanda : ‘Mais pourquoi tu as fait ca ?’. John répondit : ‘Nan mais c’est pour ton bien’. Et le maître s’illumina.

Note : Si quelqu’un a compris ce kôan, il peut m’envoyer un courriel.

Les présentations faites, je suis sur que vous ne cernez pas du tout mieux le personnage qu’avant, mais peut importe. Sachez tout de même que John n'est pas un dangereux psychopate, et qu'il n'a jamais coupé le doigt de personne. C'est un kôan, si ca ne veux rien dire, c'est normal. En faite, le sujet de ce blog est un mélange de réflexions que j’ai eu avec John et Pierrick. Pierrick ne vient pas de Paris. Je ne sais pas trop ce qu’il devint en ce moment. On ne se voit pas très souvent mais il compte, comme John, parmi mes meilleurs amis :

Bibi (alias Pierrick) : C’est probablement la personne la plus intelligente que je connaisse en termes de vivacité d’esprit et de capacité d’adaptation intellectuelle. Cela en fait un excellent joueur de StartCraft et autres jeux de stratégies du même genre. Pierrick se soucie principalement d’une chose dans sa vie : Faire en sorte que les gens l’aiment autant qu’il les aime. (Surtout les filles).

Afin d’illustrer mes propos, j’ai récupéré un passage d’un livre que je n’ai pas écrit, qui colle à peut près au sujet de ce post. Ce passage est une discussion sur le principe de société en général, orchestré par trois personnages arbitrairement appelés Edelweiss, Hémoglobine et Cacahuète. Comme le texte est un peu long, je ne l’ai pas écrit dans ce post. Vous pouvez y accéder ici :

WazaStory

Je me suis un peu documenté (juste un peu), et je suis tombé sur ‘le contrat social’ de Rousseau (alias Jean-Jacques). Malgré le fait que cet ouvrage ait été écrit avant la révolution française, je le trouve cruellement d’actualité. Une version modernisée est disponible ici. L’ouvrage commence très fort :

''Trouver une forme d'association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s'unissant à tous n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant.'' Tel est le problème fondamental dont le contrat social donne la solution.

Ce problème est effectivement fondamental. Rousseau y répond par la description de ce que doit être une société. Sa description ressemble dans les grandes lignes à la société française actuelle. Un autre passage discutable mais magnifique :

Ce passage de l'état de nature à l'état civil produit dans l'homme un changement très remarquable, en substituant dans sa conduite la justice à l'instinct, et donnant à ses actions la moralité qui leur manquait auparavant. C'est alors seulement que la voix du devoir succédant à l'impulsion physique et le droit à l'appétit, l'homme, qui jusque-là n'avait regardé que lui-même, se voit forcé d'agir sur d'autres principes, et de consulter sa raison avant d'écouter ses penchants. Quoiqu'il se prive dans cet état de plusieurs avantages qu'il tient de la nature, il en regagne de si grands, ses facultés s'exercent et se développent, ses idées s'étendent, ses sentiments s'ennoblissent, son âme tout entière s'élève à tel point que si les abus de cette nouvelle condition ne le dégradaient souvent au-dessous de celle dont il est sorti, il devrait bénir sans cesse l'instant heureux qui l'en arracha pour jamais, et qui, d'un animal stupide et borné, fit un être intelligent et un homme.

Waooo. Le moins qu’on puisse dire, c’est que Rousseau a l’art des présentations. Difficile de ne pas y croire. Une illustration personnelle de la question de la légitimité de la société se trouve dans la discussion de mes trois personnages. Le passage qui m’intéresse particulièrement est le suivant :

Toute justice vient de Dieu, lui seul en est la source, mais si nous savions la recevoir de si haut nous n'aurions besoin ni de gouvernement ni de lois.

Depuis, on a eu la séparation de l’église et de l’état. Essayons d’actualiser et de formaliser un peu cette phrase :

‘Il existe certainement une justice universelle, mais trop lointaine ou trop abstraite pour être atteinte. Nous essayons donc de l’approximer par des lois’.

L’entreprise est probablement vouée à l’échec. Formalisons :

Soit J l’ensemble des lois universelles. Soit J1 l’ensemble des lois humaines. Prenons pour hypothèse que J existe. Deux questions :

J est-il infinie ? Certainement oui. Une infinité de situations pouvant survenir dans le monde, il faut une infinité de lois pour y faire face.

J est-il continue ? On espère que oui, mais rien n’est moins sûr. La question revient à se demander : Si on prend une partie de J, ayant un début et une fin, peut-on trouver dans cette partie une infinité d’éléments, et ce pour n’importe qu’elle partie de J. (mis à part les cas particuliers comme l’ensemble vide). Difficile à dire. Peut-être J est-il continue par morceaux. Par exemple, si on prend comme partie toutes les lois universelles concernant le vol, il est probable que cette partie contienne une infinité d’éléments. Si on se restreint encore, et que l’on prend comme partie celle contenant les lois universelles sur le vol de Major concernant le braquage de banque qu’il effectuera le 5 février 2015 entre 3h00 et 3h35 du matin, il est probable qu’elle ne contienne pas une infinité d’éléments.

Il en résulte que J1 a bien peu d’espoir d’approximer correctement J un jour. Mais peut-être prenons-nous mal le problème. Peut-être existe-t-il une manière de définir J, analogue à celle de définir l’infinie. (La définition de l’infinie peut se faire aisément à partir d’une phrase autoréférentielle fini : ‘c’est quand il y a toujours plus que ce qu’il y a déjà’). Laissez-moi essayer de définir J avec deux phrases prises par ailleurs arbitrairement :

1/ Tu aimeras J de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit.

2/ Tu aimeras ton prochain comme toi-même.

Les lois universelles seraient alors :

1/ Tu aimeras les lois universelles

2/ Tu aimeras ton prochain comme toi-même

Ajoutons à cela toutes les lois qui découlent des deux précédentes. Le terme : ‘toutes les lois qui découlent des deux précédentes’ constitue évidement la difficulté majeure. (Si tant est que tout le monde soit d’accord sur le sens du verbe des deux premières phrases, ce qui est loin d’être évident). Cela signifie qu’en possession de ces deux principes universelles, il suffirait de les projeter dans le monde réel sur n’importe qu’elle situation et avec n’importe qu’elle personne, pour avoir les nouvelles lois universelles s’appliquant à ces situations et à personnes. Il nous manque la fonction de projection… Vous m’en voyez navré.

Voilà. Ce post est clairement parti en sucette. Si vous êtes arrivé jusqu’ici posez-vous sérieusement des questions quand à votre santé mentale. Je terminerais simplement en soulignant que mon colloque Allemand Martin est un être d’une amabilité saisissante, puisque, après s’être réveillé ce matin, et s’être aperçu qu’on lui avait défoncé son tableau noir et son mur, il m’a simplement dit avec sa bonne humeur habituelle : ‘Ok fine, Don’t worry, We gonna fix it. :)’

Moi qui croyais que Bouddha était dans Major… Il est peut-être dans Martin en faite :)

PS : On reviendra sur le tableau noir de Martin. Parce que oui, Martin est un homme organisé qui a jugé bon d’acheter un tableau noir pour l’appart. Enfin, je croyais que c’était pour des questions logistiques, mais pour l’instant il l’a seulement utilisé à faire des concours d’alcool. (En mettant des petites croix pour chaque verre bu). Décidément ce monde est complètement fou :)

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Wow. J'ai bien été jusqu'à la fin de ce poste et effectivement, je me pose maintenant des questions sur ma santé mentale(cela dit, déjà existantes. En même temps, ce qui me rassure, c'est qu'à part l'histoire du tableau et du trou, j'ai rien compris!! ça aurait été en chinois, ç'aurait pas été pire!... Mais bon, j'essaye. Un jour peut-être, je comprendrai...

intuiste a dit…

Merci be pour la description, ca m'as fait bcp rire d'etre a mon tour dans un koan! Mais rassurez vous lecteurs credules, je ne suis absolument pas violent si ce n'est peut etre pour imager mes pensees dans le langage.
Pour ce qui est de la reflexion, je ne vois pas tres bien pourquoi tu fusionne theorie des ensembles avec regles universelles. Cette approche "logiste" est interessante et est peut etre la seule qui forme un raisonnement observable, verifiable, contestable. Malheureusement c'est exactement le probleme de ce sujet, l'analyse du mystique, du spirituel nous amenent souvent a critiqquer cet outil qu'est la logique. Et si elle n'est pas applicable en un point, on peut douter de son application sur tout le reste. Les Regles Universelles forment un "groupe" et etant indenombrables (ce qui en passant est un peu faible dans ta demo) on ne peut les approcher humainement. Ca ressemble a du Platon rousseau-ise. Je ne vois pas non plus pourquoi "aimes ton prochain" vient se greffer aux lois, pourquoi ce n'est pas deja dedans, et si ce n'est pas dedans pourquoi le rajouter (lire Werber sur le contraste survie/bonte). Moi je pense qu'au dela de ta sincere, intuitive et profonde analyse, il y a aussi une recherche de fusion du christianisme avec des theories peut etre plus "modernes" qui cache un besoin d'annihiler la culpabilite(typiquement chretienne) de la perte de ta foi. dsl je pars en live, efface le commentaire si c'est trop con. En tout cas merci, d'avoir alimente nos delires au 36, ca a ete pour moi une des plus belles annees de ma vie.

ps: la prochaine fois je dis juste bonjour et je zappe le pave ;)

Anonyme a dit…

en fait je tenais surtout a réagir au commentaire de intuiste (john c toi ? Bonjour john :-) SO I am Bree et I am an alcoolic...............
heu...Benoît je crois que les ondes de folie furieuse du blog sont en train de réveiller mon subconscient de nana déjantée là...
Oui donc john alors...

"Les Regles Universelles forment un "groupe" et etant indenombrables [...] on ne peut les approcher humainement."

je ne suis pas d'accord, cela pour moi reviendrai finalemnt à dire que Dieu n'est pas approchable humainement pq infini et parfait (selon du moins la définition judéochrétienne) or c'est faux, pour le vivre au quotidien, pour avoir lu des témoignages de personnes qui le vivent aussi, je peux t'assurer que c'est faux.
Même si les règles sont indénombrables, une approche humaine est possible, plusieurs approches sont même possibles, ce qui est impossible c la compréhension et la connaissance parfaite de ces règles (et de Dieu a fortiori ;-) )
Mais pe que par approche tu sous entendais connaissance ? dc pe qu'on est d'accord finalement ?

"Moi je pense qu'au dela de ta sincere, intuitive et profonde analyse, il y a aussi une recherche de fusion du christianisme avec des theories peut etre plus "modernes" qui cache un besoin d'annihiler la culpabilite(typiquement chretienne) de la perte de ta foi."

Snif... Alors mon grand frère chéri a perdu la foi ???
Bouhouhouhouhou...:-(
Bon je m'en doutais un peu qd même...
La culpabilité typique du christianisme ? mouais, j'ai l'impression que tu portes pas le christianisme ds ton coeur mon cher john ! La culpabilité n'est pas une fin en soi ds le christianisme (en fait ca tu dois deja t'en douter :-) ), mais on y passe c'est vrai, enfin juste que si un mec qui se dit chrétien se sent coupable en permanence, ya qlq chose qu'il a pas compris...

Bon... je suis partie en live aussi...

Archi-Mondain Joli-Punk a dit…

Mais Kesskispass sur ce blog ?
En ce qui concerne ce qui est écrit dans ce post, j'admet que c'est un peu embrouillé, confus et que ca mérite milles approfondissements.

En ce qui concerne le mélange des disciplines (Logique, Philosophie), moi je trouve ça intéressant. Même si je reconnais que pour l'instant ca ne donne pas grand chose de mieux que sans ce mélange de disciplines.

En ce qui concerne ma perte de foi, je pense que celle-ci s'est plutôt transformée en autre chose. Je ne sais pas si tout le monde a la foi en quelque chose. Moi j'ai la foi en plein de trucs. A commencer par l'hummanité.

En ce qui concerne ma culpabilité. L'introspection est toujours difficile. Mais je ne pense pas ressentir de culpabilité particulière pour ma 'perte de foi'. Même si je reconnais que le symbole du christianisme, c'est quand même un homme-Dieu crucifié pour purifier nos péchés. Ca ne laisse pas présager de bonnes choses quand à la place de la souffrance et de la culpabilité dans cette religion. Ce n'est pas une attaque, c'est une remarque qui soulève des questions méritant d'être approfondit. (là ce serait un peu long et je n'ai pas forcément les idées claires sur le sujet).

Après l'idée de Dieu est encore différente de la religion. La question de Dieu de manière générale est tellement ouverte qu'elle embrasse la nature humaine. Et selon moi tout le monde se la pose sous différentes formes (j'attend qu'on me montre le contraire, je serais particulièrement intéressé par être sûr d'avoir raison ou sûre d'avoir tord sur cette proposition). Ceux qui veulent en savoir plus sur le concept de Dieu dans la théologie chrétienne, je les renvoie à la somme théologique de Saint Thomas d'Aquin :

http://fr.wikisource.org/wiki/
Somme_th%C3%A9ologique_-_Partie_1%
2C_Question_2

discutable, mais assurément très profonde et très intéressante.

Merci à ma petite soeur de me défendre contre cet intuiste !
Alors malgré l'annonymat, celle toujours prette à défendre ses grands idéaux, je suppose que c'est Claire ?

Et merci a Scary de lire fidèlement mon Blog. Qu'elle ne s'inquiète pas, quand elle ne comprend rien, c'est bien souvent qu'il n'y a rien a comprendre de plus que le peu de sens que ça prend :) (on comprend ma dernière phrase ? ).

Anonyme a dit…

le 1/1/2007
Dieu.
En réponse aux commentaires du 18/12/2006

Faut pas aller trop vite, hein, parce que sinon je suis pas.

Après une lecture attentive des différents propos, je suis d'accord avec Intuiste, il faudrait que tu expliques pourquoi tu as rajouté la règle 2 ("tu aimeras ton prochain comme toi-même") en complément à l'ensemble J des lois universelles.

Réfléchis bien, tout a une réponse

Archi-Mondain Joli-Punk a dit…

La règle 2 ne saurait être un complément à l'ensemble des lois universelle étant donné qu'elle est le générateur de toutes ces lois.

Ceci s'explique aisément. La règle 1 : 'Tu aimeras les lois universelles' Est juste une règle purement récursive et non générative. La règle 1 ne génère aucune loi. Elle définit juste le principe de respect de ces lois. Et en premier lieu le principe de respect de la règle 2, qui est le principe initiateur, à partir duquel on peut décliner toutes les lois universelles.