mercredi 3 septembre 2008

Un vent mauvais

‘J'ai des choses graves à vous dire, je sens souffler depuis plusieurs semaines un vent mauvais. L'inquiétude gagne les esprits, le doute s'empare des âmes, l'autorité de mon gouvernement est discutée... La radio de Londres ajoute à ce désarroi des esprits... De ce désordre des idées naît le désordre des choses.’

Vous ne savez pas d’où ça vient ? C’est tant mieux. Sortie de son contexte funeste, cette déclaration se marrie plutôt bien avec mon état d’esprit général. Car je sens effectivement depuis quelques temps souffler sur moi-même et mes collègues de travail un vent mauvais. Le doute s’empare des âmes, et les infos de la city ajoute à ce désarroi des esprits.

Personnellement je suis plutôt nouveau dans le monde impitoyable de la finance. Un grain galet tout juste de l’école. Un valet du système, formé pour servir un capitalisme sauvage, rompu aux exigences que suppose une croissance économique permanente. Vous savez, dans la finance, on aime bien les chiffres. On n’est pas sectaire hein, on aime bien tous les chiffres, pas de favoritisme. Alors quand il a fallut choisir, ils ont prit comme ça au hasard : 20%. Moi je trouvais ça bien au début (j’aime vraiment bien les chiffres en fait, et 20 je sais pas… enfin j’aime bien quoi). Mais le problème c’est que ce cas précis, il s’agissait de 20% des employés. Dans le jargon technique on pourrait dire licenciement économique. (C’est-à-dire c’est comme un licenciement, mais c’est économique).

Il faut relativiser


Bien sûre, pour savoir si j’ai tiré le bon numéro, il vous faudra lire jusqu’à la fin du post :) (Celui qui lit directement la fin est un sale tricheur). Moi qui suis un capitaliste convaincu, un défenseur de la politique du chiffre, un fervent serviteur de la cause des plus riches, enfin bref, un véritable enculé ; je dois bien admettre que ça m’a fait un choc. On est un être respectable et respecté, on a une place dans la société, et du jour au lendemain, paf, sans prévenir, il y a un gars qui vient vous voir comme ça pour vous dire que vous êtes redondant (je sais pas si vous avez déjà eu des erreur de redondance cyclique, mais c’est jamais bon signe). Redondant ça veut dire en résumé : ‘Tu sers à rien’. Alors évidement, chaque être humain a une utilité sur terre, et Dieu nous aime tous très très fort. Alors ils précisent : ‘Redondant c’est juste là maintenant, mais en vrai t’es un mec génial, bourré de qualité, et avec un potentiel inouïe’. Là, il y a encore de la place pour argumenter, mais quand ils brandissent le 20% dans la conversation, tu sais que c’est finit. C’est mathématique. Une science exacte en quelque sorte. Les chiffres ne mentent pas. 20% c’est 20%.

Face à ce procédé ignoble, j’ai eu plusieurs idées pour les futures licenciements (Je veux dire si un jour je dois licencier quelqu’un. Aller pas croire que je vous dévoile le fin mot de l’histoire avant la fin du post !). Par exemple, chaque personne de l’équipe pourrait voter pour une autre personne qui doit partir, c’est tout de suite beaucoup plus démocratique que quand c’est une petite élite même pas élu par le peuple qui décide. Tous les casse-couilles dégageraient en premier. C’est le bon coté de la chose. Le mauvais coté de la chose, c’est que ça se passe déjà comme ça dans le maillon faible et on voit bien le résultat : C’est tous des attardés dans ce jeu (comment ça il n’y a pas de rapport ?). Sinon on peut faire ça au mérite, avec des épreuves : On enferme toute l’équipe dans une pièce avec des flingues, et les 20% qui meurent en premiers sont virés. En plus c’est pas trop mal comme système, comme ça on ne se soucis pas des indemnités et autres frivolités administratives qui comme vous vous en doutez restent assez coûteuses. L’ennuie, c’est que ça peut créer des tensions. Enfin en front office il faut savoir travailler sous pression.

...


Tout ça pour dire qu’aujourd’hui j’ai vu partir des gens que j’aimais bien, avec qui j’avais de très bon rapports professionnels et personnels. La noirceur de mon cynisme vous donne la mesure de ma tristesse. Ils ont été frappés par ce vent mauvais qui souffle sur les marchés financiers, comme la peste frappe les héro du roman de Camus. (Emphase, quand tu nous tiens). Et aujourd’hui j’ai appris que personne n’était à l’abri. Surtout pas moi. Alors je vais dès à présent tracer le signe de la protection du sang de l'agneau sur ma porte. Et comme on n’est jamais sûre de rien quand on demande l’aide de Dieu, je vais aussi me préparer tranquillement : Il est toujours possible que je doivent prendre des vacances forcés pour quelques temps dans un avenir proche. Apparemment rien n’est et ne sera jamais acquis. Le tout étant comme toujours d’avancer, et de relativiser la situation. (Je pourrais par exemple être né au Japon et travailler 15 heures par jour sans jamais me plaindre ni sans aucune perspective de pouvoir être viré un jour : Horrible). Ah oui, et comme vous l’avez sûrement compris, aujourd’hui je suis du bon coté des mathématiques… pour aujourd’hui.

Moi de toute façon si je me fait virer...

Bisous à tous.